Combattre les discriminations dans l’emploi public
Une intervenante
Dans mon cas personnel, j’ai été embauchée dans une mairie par un arrêté, que vous connaissez, dans la fonction publique. Et mon arrêté stipule « non titulaire non permanente ». J’ai été non titulaire, non permanente de 2003 jusqu’en 2009, jusqu’à l’élection du maire. Il a fallu que je proteste pour que je passe permanente. De 2003 à 2009, j’ai perdu 100 euros tous les mois.
Une intervenante
La supérieure hiérarchique, dans la fonction publique, a en outre une parole souveraine ou un pouvoir discrétionnaire. Tout cela sont des choses très intéressantes effectivement pour pouvoir préserver le service, mais quand certains font de l’abus de droit, cela peut être préjudiciable aux citoyens. Et c’est pour cela que je pense qu’il faudrait quelque chose, une clause, parce qu’il y a un véritable barrage au niveau du fonctionnaire. Est-ce qu’il faudrait qu’il soit assermenté ? Est-ce qu’il faudrait qu’il y ait une clause disant qu’il ne peut pas discriminer ? Moi je pense qu’il y a quelque chose à aller voir. Est-ce qu’il existe un observatoire de la fonction publique pour savoir comment ça fonctionne ?
Un intervenant
Il n’y a plus de négociation, on ne parle plus de réelle négociation, on parle de concertation. Et du coup, je vais rejoindre ce qui a été dit au niveau de la démocratie dans les entreprises. Je pense que le véritable problème aujourd’hui, c’est la pédagogie. C’est-à-dire qu’on a de plus en plus de salariés qui ne sont pas au courant de leurs droits. Et du coup, l’idéal serait d’arriver à une mutualisation des forces syndicales, associatives et politiques pour promouvoir la sixième république qui permettrait d’apporter un peu plus de démocratie. Et cette sixième république devrait pouvoir s’appuyer sur un modèle alternatif au niveau des entreprises, notamment des scoops. L’exemple typique qui permet de donner plus de pouvoir aux salariés en leur donnant justement une partie du capital et un partage des bénéfices un peu plus juste.
Rachid Alaoui, sociologue
Est-ce qu’il y a des lois qui régissent de manière claire et nette la tenue vestimentaire dans la fonction publique, dans les structures privées ayant une mission de service public et dans les structures privées ayant une mission d’intérêt général, sachant que l’affaire Babyloup, et on voit l’imbroglio juridique, et les décisions contradictoires entre la Cour d’Appel, la Cour de Cassation.
Gérard Aschieri, membre du Conseil économique, social et environnemental
Dès lors qu’il y a service public, il y a obligation de neutralité. Et à partir du moment où il y a obligation de neutralité, les règles de la laïcité s’appliquent. Elles s’appliquent uniquement pour les fonctionnaires, pas pour les usagers. C’est ce que disent la loi et la jurisprudence actuelles. Le gros problème, qui n’est toujours pas tranché, c’est où s’arrête le service public. Je vous invite à lire deux documents, on les trouve sur internet. Il y a un avis du conseil économique, social et environnemental qui s’intitule « Le fait religieux dans l’entreprise », qui fait plutôt bien le point sur la question. Et il y en a un autre qui est un avis de la Commission consultative aux Droits de l’Homme.
Gérard Filoche, Ancien Inspecteur du Travail, membre du BN du PS
Tous les salariés de nationalité française ou non votent aux élections aux Prud’hommes, dès lors qu’ils ont un contrat de travail. C’est une élection à laquelle les immigrés participent en votant. Je suis un militant inquiet de la suppression des élections aux Prud’hommes qui vient d’être annoncée et qui va entrer en vigueur probablement dans un projet de loi qui modifiera en même temps complètement le statut de l’inspection du travail en janvier prochain. C’est probablement la seule élection où il y a quatre millions cinq cent mille salariés qui viennent voter pour les syndicats. On nous dit que ce n’est pas beaucoup parce que cela ne représente que 30 %. Mais si on se met à supprimer toutes les élections en France qui n’ont que 30 %de voix exprimées, il n’y aura bientôt plus de république. Dans ces entreprises-là, le salarié a le droit de sortir de son travail, d’aller voter, sans perdre de salaire. Je peux vous dire que cela n’existe pas en pratique. J’ai été inspecteur du travail pendant 30 ans, chaque fois qu’il y avait des élections aux Prud’hommes je tenais une permanence pendant laquelle des dizaines de salariés m’appelaient pour me dire : « Mon patron ne veut pas que je sorte. Ou si je sors, il dit qu’il retiendra sur mon salaire, qu’il ne me paiera pas mon après-midi. Est-ce que j’ai le droit de sortir ? » Et je parle de ceux qui étaient informés qu’ils pouvaient m’appeler pour me poser la question. Mais des millions de salariés dans les petites entreprises n’osaient pas quitter leur boulot pour aller voter.
Gérard Aschieri , ex SG de la FSU, en charge de l'éducation au Front de Gauche
La FSU, depuis son congrès de 2007 à Marseille, a dans ses mandats la suppression de la condition de nationalité pour l’accès à la Fonction publique. Dans l’esprit de tout le monde, il n'y avait pas de problème. Pour être fonctionnaire, il fallait être de nationalité française. L’idée c'était, le fonctionnaire, il est en charge de l’intérêt général des Français, donc, à partir de là, il est Français. Puis est arrivée effectivement l’Europe et une jurisprudence en fait. Ce n'est pas une décision de l’Europe, c'est une jurisprudence de la Cour de justice européenne, qui a imposé l’ouverture, pas de tous les emplois, des emplois qui ne sont pas des emplois détenant des prérogatives de puissance publique. C'est-à-dire vous pouvez être enseignant, vous ne pouvez pas être policier. Vous pouvez être enseignant, vous ne pouvez pas être proviseur de lycée. Donc, à partir de là, on s’est dit, puisqu'il y a ouverture, effectivement, et pas seulement à l’Union européenne, puisque c'est une ouverture à tous les ressortissants de ce qu’on appelle l’espace économique européen, c'est-à-dire, un certain nombre de pays associés, pourquoi est-ce qu’il y a des gens qui sont exclus ? Ça crée une porte ouverte pour maintenir et développer des précaires dans la Fonction publique. Deuxièmement, qu'est-ce qui fait l’intérêt d’une Fonction publique et qu'est-ce qui fait l’intérêt d’un statut ? Regardez au fond. Pourquoi est-ce qu'il y a des fonctionnaires ? Parce qu'ils ont en charge l’intérêt général et qu’ayant en charge l’intérêt général, ils doivent avoir des garanties d’indépendance. Alors, pas d’indépendance pour faire ce qu’ils veulent mais d’indépendance par rapport aux intérêts particuliers. Deuxièmement, ils doivent assurer un service de qualité, besoin de qualifications. Troisièmement, ils doivent assurer l’égalité de traitement et ils doivent donc eux-mêmes bénéficier de cette égalité de traitement. Quatrièmement, ils doivent assurer la pérennité du service public. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le fonctionnaire, il doit aller là où il y a besoin, on a besoin de lui et au moment où on a besoin de lui. Et ça, ce n'est pas la nationalité qui le garantit, en aucune manière. Et je dirais même, et je termine là-dessus, c'est peut-être justement un moyen de préserver, par exemple, en Europe, l’existence de concours de recrutement, que de dire : on ouvre à tout le monde, mais on conserve la modalité de sélection qui permet, alors encore une fois, il y a des nuances, mais qui en théorie permet l’égalité de traitement, permet le fait que conformément à la déclaration des droits de 89, c'est ce qu’on appelle le mérite qui permet d’accéder aux places et non pas la naissance, voilà.
Emploi : Gérard Aschieri, ex SG de la FSU par FNMDP
Gérard Filoche, Ancien Inspecteur du Travail, membre du BN du PS
Parce que s’il y a inégalité, c'est tous qui trinquent. Le salarié immigré est ramené dans une situation sans droit et sans papier et le salarié d’origine française et français est lui-même tiré en gros vers le bas, parce qu'on le met en concurrence avec quelqu'un qui n’ayant pas de droit et ne pouvant se défendre valablement, est plus vulnérable. Donc, la non-égalité tire tout le monde vers le bas. On est dans une situation, quand on est dans l’emploi, de concurrence et évidemment, les employeurs se font concurrence et c'est à celui qui va obtenir la plus grande marge sur chacun de ses salariés. Le point commun du salarié c'est qu’il vend sa force de travail. Il cherche à la vendre le plus cher possible, l’employeur cherche à l’acheter le moins cher possible et les employeurs se font concurrence pour faire la plus grande marge sur chacun des salariés. Ensuite, de cette marge, soit il la réinvestit, il développe son entreprise, soit comme beaucoup, il en tire des dividendes et il va le placer dans les îles Caïmans et là, on est déjà dans un autre chantier. Cette concurrence féroce qui vise à baisser le coût du travail et les droits en même temps, parce que baisser les droits, c'est baisser le coût du travail et baisser le coût du travail impose, fait régresser les droits. Et s’il peut y avoir une concurrence entre un salarié immigré et un salarié français, c'est à l’avantage du patron. La différence entre le net et le brut, ce n'est pas une charge. Puisque si vous vous réveillez le matin et puis que vous écoutez les radios, vous entendrez ce sont les charges sociales. N’utilisez jamais jamais ce mot. Il n'y a pas de charges sociales, ce sont des cotisations sociales, ce n'est pas pareil, ce n'est pas un impôt, c'est du salaire. C'est quelque chose qui revient aux salariés plus tard, c'est-à-dire c'est une part du salaire mutualisé, mise dans un pot commun et redistribuée à chacun selon ses besoins quand il est en maladie, quand il est au chômage, quand il est en retraite, quand il est en accident du travail, quand il a des difficultés de logement, quand il est en charge de familles nombreuses. Ce sont des cotisations, écoutez bien le mot, qui sont pré-affectées et donc, quand il y a une attaque sur les cotisations, c'est une attaque sur quelque chose d’essentiel, qui est la protection sociale liée au travail. Mais la discrimination se trouve aussi, si on peut vous faire…. vous empêcher de rentrer dans la Fonction publique alors que vous êtes en position de pouvoir le faire. Et si on va aussi vous discriminer, c'est très bon l’exemple sur les médecins, évidemment, si on peut aussi vous discriminer en vous faisant faire le même travail qu’un salarié français, de nationalité française, exactement le même travail en vous payant 2 fois ou 3 fois moins, parce qu'avant, on vous a donné moins de droits. Merci.
Emploi : Gérard Filoche, Ancien Inspecteur du... par FNMDP
Hocine SAAL SG du syndicat des médecins étrangers SNPDHUE
Il faut savoir qu’un médecin, quand il pose les pieds en France, il n’a pas le droit d’exercer. Il doit d’abord passer par un parcours qui est assez fastidieux. Il s’écoule en moyenne 10 ans entre le moment où le médecin trouve un poste à l’hôpital et le moment où il est autorisé à exercer. Ces médecins exercent sous des statuts qui sont totalement différents de leurs confrères diplômés français, à savoir soit des statuts d’internes ou de faisant fonction d’internes ou bien des statuts de praticiens attachés. Les salaires sont totalement différents. Ils sont en moyenne moindres de 40 % entre un praticien attaché et un praticien hospitalier qui est le praticien à diplôme français. Ces patriciens qui font tourner nos services de soins fournissent le double du travail que leurs collègues et assurent essentiellement tout ce qui est gardes le week-end, les astreintes, les jours fériés, etc. Ces patriciens malheureusement se voient très souvent refuser l’accès aux emplois classiques de praticiens hospitaliers et ils sont obligés de passer les concours avec généralement des postes très restreints. Puis par la suite, déposer des dossiers devant des commissions d’autorisation d’exercice qui mettent en moyenne entre 8 à 12 mois pour statuer sur leur aptitude. Une fois cela, ce n’est pas fini, il faut ensuite toujours trouver un poste qui soit en adéquation avec leurs compétences. Il faut savoir qu’il n’y a pas que les médecins qui sont touchés par cette situation-là, il y a aussi les sages-femmes. A titre d’exemple, il y a certaines sages-femmes qui sont lauréates de cette procédure depuis 2009, qui à ce jour n’ont toujours pas trouvé de poste, parce que leur statut n’existe pas à l’hôpital. Les chirurgiens dentistes sont exactement dans la même situation que les sages-femmes. Le syndicat que je représente œuvre essentiellement pour essayer d’intégrer ces praticiens dans notre système de soins, mais surtout, on œuvre pour le maintien du niveau d’excellence de la médecine française. Je pense que ces deux exemples-là illustrent réellement la complexité du parcours d’un médecin et d’un praticien en général dans l’emploi. Il faut savoir que c'est totalement différent de ce qui se passe chez nos voisins européens. À titre d’exemple, en Allemagne, ces praticiens ont une obligation de remise à niveau de la langue, exercer 2 ans sous la responsabilité d’un chef de service et puis il est autorisé à exercer dans les hôpitaux allemands. En Suisse, c'est différent, du moment qu’il est accepté par un chef de service, il est autorisé à exercer. Je pense que ça illustre vraiment les inégalités que peuvent vivre ces praticiens depuis des années et des années en France. J’espère que les choses bougeront. On est en train d’essayer de les faire bouger encore. Il y a des décrets qui sont censés paraître dans pas très longtemps, on verra ce que ça donnera.