TDF 4 : Saint-Denis (12 décembre 2012)

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Guerre d’Algérie : les justes contre la honte

 

 

C’est un pari audacieux que celui relevé par la fédération nationale des Maisons des potes. Nous avons invité les étudiants de l’université Paris-8 à Saint-Denis, mercredi 12 décembre, à venir débattre sur le thème « Guerre d’Algérie : les justes contre la honte ». Cette conférence-débat visait à dresser un parallèle entre les Justes parmi les nations, désignant celles et ceux qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs durant la deuxième guerre mondiale, et les combattants de la cause anti-coloniale durant la guerre d’Algérie. Pour orienter la réflexion, aux côtés de Samuel Thomas, président de la FNMDP, Djamel Benkrid, anthropologue « fils de terroristes », et Tramor Quemeneur, auteur de Algérie 1954-1962 : lettres, carnets et récits des Français et des Algériens pendant la guerre.

 

Conférence-débat à Saint-Denis

 

Il y a un parallèle évident entre les résistants français et étrangers qui se sont battus contre le nazisme de 1939 à 1945 et le combat pour l’indépendance algérienne. Ce n’est pas un hasard si les premiers Européens à soutenir les indépendantistes algériens sont essentiellement des anciens résistants tels André Mandouze, un des animateurs de Témoignage chrétien.

 

L'auteur Tramor Quemeneur et l'anthropologue Djamel Benkrid.

 

Le débat soulève le problème douloureux de l'« effacement des mémoires » selon Djamel Benkrid. La mémoire des combattants européens engagés aux côtés des Algériens. Le chercheur, né et grandi en Algérie, questionne, provocateur : « Il y a, à Alger, une place Maurice Audin. Mais qui sait encore qui était Maurice Audin ? » Maurice Audin était un professeur, membre du parti communiste d’Algérie, arrêté, torturé et assassiné par les militaires français en raison de son engagement aux côtés du Front de Libération nationale (FLN) algérien. Oubliées aussi les figures d’Henri Maillot, communiste qui déserte l’armée française et rejoint le « maquis rouge » où il meurt les armes à la main en 1956 ; du philosophe Francis Jeanson qui organise le plus important réseau de collecte de fonds en soutien au FLN ; du jardinier Alban Liechti, communiste lui aussi, qui refuse de partir à la guerre et affiche son soutien « au peuple algérien en lutte pour son indépendance » ce qui lui vaut prisons et isolement.

    

Amel Bensaïd, organisatrice du débat et Samuel Thomas, président de la FNMDP.

 

Au-delà de ces individus, Tramor Quemeneur a mis en lumière un millier de déserteurs, 10 000 insoumis, 400 objecteurs de conscience dans les rangs des soldats français devant partir en Algérie. La succession de petits gestes qui vont alimenter la prise de conscience au sein de la société française jusqu’au grand basculement qui, après 1960, verra l’opposition à la guerre d’Algérie devenir majoritaire.

Au regard du nombre de personnes vivant en France concernées directement ou indirectement par la guerre d’Algérie, il est évident que la connaissance des faits permettrait aussi à chacun de mieux connaître les autres. Ce qui contribuerait évidemment que nous vivions bien mieux ensemble. Dans ce cadre, la recherche universitaire fleurit et nous pouvons nous en féliciter. Mais la transmission de la mémoire militante pêche encore à générer une conscience politique.

 

 

Merci à Nathanaël Uhl pour la contribution à cet article.

Lire l'article de Nathanaël Uhl sur cette conférence-débat sur Le cri du peuple.

Photos : Nathanaël Uhl.