Etape de Die et la Drôme

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Le 26 novembre 2020, la Fédération Nationale des Maisons des Potes organisait la visioconférence « Die et la Drôme pour l’Égalité contre le racisme et les discriminations ». Côté invité-e-s, nous avions Claude, ex-responsable de la Ligue des Droits de l’Homme de la section de Die et qui demeure toujours un militant actif pour l’association. Claude est notamment très engagé dans la thématique de l’accueil des migrants et est donc à ce titre militant d’une autre association qui se nomme Réseau d’Entraide aux Réfugiés du Diois dont le but est d’accueillir plusieurs familles kurdes et iraquiennes dans plusieurs villes de la Drôme et de les accompagner à plusieurs niveaux que sont la scolarité, la régularisation par les papiers, le logement, les activités extra-scolaires, l’apprentissage des langues, etc. Par ailleurs, il est aussi bénévole dans une association qui s’appelle Voies Libres et qui a coconstruit une maison à Vercheny pour accueillir des africains sans papiers et en difficulté et où s’effectue un repas chaleureux et informel tous les premiers vendredis du mois.

Ensuite c’était à Olivier ROYER, directeur de l’Espace Social et Culturel Du Diois de se présenter. Il dénonce par ailleurs que le nom, les origines ou encore l’adresse sont des éléments de haute discrimination, que ce soit pour les contrôles de police ou encore pour l’embauche. De plus, il explique que le centre social défend les valeurs d’égalité et de tolérance en accueillant de manière inconditionnelle les publics, en soutenant les associations et les personnes accueillant les migrants sur le territoire, en se mobilisant pour la lutte contre les violences sexistes et les violences faites aux femmes. Par après, Olivier CRENN, militant engagé pour la cause des migrants et potentiel futur candidat aux élections régionales ou départementales se présente. Enfin, Sabrina, citoyenne préoccupée par les questions de racisme et de discriminations, était curieuse de participer au débat. Côté fédération, Samuel THOMAS, délégué général de la fédération, Abdoulaye, médiateur de réseaux associatifs, Ayih, Mustapha, Julie, Caroline et Léana, élèves-avocats, Nouara, médiatrice sociale et coordinatrice du dispositif SOS Stage, Redouane ainsi que Rachelle, Marie et Romane, apprenties chargées de communication étaient présents.

 

Samuel débute le débat en expliquant que dans la Drôme se trouvent beaucoup de petites communes à l’instar de Die (Valence est par contre plus peuplée) mais que cela n’empêche pas le racisme et les discriminations. En effet, ce sont des fléaux qui ne touchent pas que les grandes villes, au contraire.

 

Concernant la ville de Die, la candidate à l’époque Isabelle BIZOUARD, désormais maire de la ville, s’était engagée lors des élections municipales à mettre en place 7 des 17 propositions des Maisons des Potes (la 1ère, la 2ème, la 6ème, la 8ème, la 9ème, la 10ème et la 13ème – les autres restantes ayant été cochées en « ne sait pas ») voir doc ci-dessous. La mairie de Die n’a pas pu se libérer pour être représentée lors de la visioconférence, et a proposé aux Maisons des Potes de reprendre contact avec elle courant 2021.

 

Samuel raconte qu’au travers des précédentes étapes à Strasbourg où les Maisons des Potes avaient rencontré l’ex-maire de la ville Catherine TRAUTMANN, cette dernière leur avait expliqué que le modèle allemand d’accueil et d’aide aux migrants était très inspirant. Effectivement, en Allemagne, pour chaque maison d’accueil et d’hébergement des migrants, il y a aussi un lieu dédié à la scolarité, un autre dédié à l’insertion économique, un autre encore dédié à la santé, etc. Pour ces dispositifs, toutes les associations des communes possédant une maison d’accueil et d’hébergement des migrants participaient aux actions. L’un des bilans de ces dispositifs a été une forte accélération de l’intégration des migrants dans leur ville d’habitation.

 

Olivier ROYER reprend en expliquant qu’à l’ESCDD se tient deux fois par semaine un atelier socio-linguistique qui est un atelier encadré par des bénévoles d’associations et qui accueille des personnes allophones. Olivier témoigne donc que bien que la zone du diois soit une zone rurale, il y a une bonne articulation et une bonne coopération des opérateurs associatifs et les collectifs et que, par ce biais, ils pallient plutôt bien aux manques de moyens causés par la maigre aide de l’État et du département. Reprenant cette idée, Olivier déplore le fait que le centre social ne bénéficie d’aucune aide étatique ou départementale et que sans le soutien sans failles des bénévoles, ces ateliers ne pourraient se tenir. Olivier rappelle que les migrants qui quittent leur pays d’origine ne le font pas de gaieté de cœur mais le font car ils y sont contraints à cause des conditions catastrophiques de vie dans leur pays et que le minimum que la France pourrait et devrait faire serait de les accueillir correctement. Olivier atteste que l’accueil des migrants dans la Drôme ne pose pas les problèmes que les médias tendent à faire croire et que même, au contraire, l’accueil des migrants se fait dans une atmosphère sereine.

 

Claude explique qu’avec les bénévoles de l’association du Réseau d’Entraide aux Réfugiés du Diois, il est directement parti chercher les familles de migrants dans leur pays d’origine, Iraq notamment, en leur payant les billets d’avion. Aussi, en amont de leur venue, les bénévoles ont organisé la recherche d’emploi des parents, la scolarisation des enfants, etc. Il raconte par ailleurs qu’une fois arrivée en France et plus particulièrement dans la Drôme, l’intégration de la famille s’est très bien déroulée, notamment grâce aux enfants qui ont une capacité d’apprentissage du français extraordinaire. L’objectif principal de l’association, qui suit la famille sur une plutôt longue période (environ 2 ans) est de les aider à acquérir leur autonomie, qu’elle soit au niveau financier, administratif, scolaire, linguistique, mobilité, etc.

 

Concernant l’association Voies Libres à Vercheny, une maison y a été achetée et retapée par plus d’une trentaine de bénévoles dans le but de pouvoir y accueillir des personnes sans papiers, au chômage, ou encore sans domicile fixe. À ce jour, ce sont une vingtaine de jeunes africains, hommes principalement, qui y vivent tous ensemble et ce de manière très conviviale.

 

Claude énonce notamment que dans la zone plutôt rurale du Diois, la proportion de racisme et de discriminations est tout de même moins importante que dans les grandes villes et que cela s’explique par le fait que la moitié de la population de la Drôme a des parents, grands-parents voire arrière-grands-parents issus de l’immigration, par exemple des espagnols qui fuyaient le fascisme à la fin des années 1930. En effet, le fait que ces populations soient issues de l’immigration fait qu’elles connaissent les difficultés d’être immigrées et qu’elles ne souhaitent pas à leur tour être racistes ou discriminantes envers les nouvelles populations d’immigrées qui arrivent dans la Drôme à l’instar des familles iraquiennes ou encore kurdes dont nous parlions précédemment. Bien au contraire d’ailleurs, ces familles de réfugiés décident même souvent de s’investir dans le milieu associatif pour aider les nouveaux migrants arrivés en France ou encore d’ouvrir les portes des entreprises qu’ils ont créé aux migrants en recherche d’emploi. Pour Claude, c’est à nous, citoyennes et citoyens français d’accueillir nos frères et nos sœurs des pays étrangers, de s’entraider et de ne pas toujours tout renvoyer et tout attendre de l’État.

 

Olivier CRENN de son côté justifie sa volonté de candidater aux futures élections régionales ou départementales en expliquant que malgré l’investissement sans failles que l’on peut avoir dans la lutte contre le racisme et les discriminations, et plus particulièrement dans la cause des migrants, on se heurte toujours à la barrière des décideurs, les élus politiques donc, qui ont régulièrement le dernier mot. De plus, il constate que le racisme et les discriminations fait moins partie de la nouvelle génération, qui est plutôt métissée et multiculturelle que de la vieille tradition raciste française qui s’opère depuis des décennies sur le territoire. Il avance aussi que l’accueil, l’amour et le respect inconditionnels sont des valeurs communes à toutes les causes défendues dans ce débat et par les Maisons des Potes. Comme dans une visioconférence précédente, Olivier fait le lien entre la paupérisation et la montée du racisme et des discriminations. Pour lui, la pauvreté et l’appauvrissement est le cœur de la division et c’est de cette division que se nourrit l’extrême droite puisque les électeurs désespérés par leur situation ont le sentiment que voter pour l’extrême droite réglera peut-être leurs problèmes.

 

À la suite de ces propos, Samuel présente la proposition n°10 qui vise à faire régulariser les travailleurs sans papiers afin qu’ils ne soient pas victimes d’exploitation. En effet, dans le milieu agricole par exemple qui compose une partie du territoire de la Drôme, si l’on n’est pas déclaré, on n’a pas le droit aux arrêts maladie, au chômage ni à la retraite. Samuel dénonce par ailleurs la circulaire VALLS de 2012, toujours d’actualité, qui dit que pour être régularisé, il faut 8 mois de fiches de paie sur 3 ans de présence en France ou 24 mois de fiches de paie sur 5 ans de présence en France, ce qui est très difficile à réunir qui plus est car il faut un contrat de travail d’un employeur. 

 

Mustapha prend à son tour la parole en utilisant l’exemple de l’Italie qui a décidé de régulariser il y a quelques mois les travailleurs sans papiers au moins jusqu’à la fin de l’année 2020 et dans les conditions sanitaires complexes actuelles que nous connaissons et il explique que cette action italienne serait un bon exemple d’action sociale à reprendre sur le territoire français. 

 

Claude explique que dans le Diois il n’y a pas les mêmes problèmes de racisme car que ce soit des immigrés, qui sont par ailleurs tous déclarés, ou des français, ils sont tous rémunérés de la même manière. En outre, il affirme que lorsque des personnes sont en difficulté à Die, elles ne le restent pas longtemps car elles sont tout de suite prises en charge par les habitant-e-s de la ville. Claude explique cela par le fait que la Drôme est une terre d’accueil depuis des décennies, que ce soit pour les espagnols, les italiens, les allemands ou encore les tchèques et que c’est une zone qui a elle-même été victime de persécutions à l’époque où elle était protestante alors que l’autorité et la loi étaient catholiques. Par conséquent, elle a la notion d’accueil, de diversité et d’égalité dans son essence même.

 

Mustapha appuie les paroles de Claude en affirmant que les immigrés sont une richesse et qu’il ne faut donc pas les voir comme des ennemis mais comme des alliés vers le développement du territoire de la Drôme et ce sur différents sujets qu’ils soient d’ordre sociaux ou encore économiques.

 

Par ailleurs, il valorise la venue d’immigrés dans les milieux ruraux en soutenant que ces derniers permettent le renouveau de ces zones en apportant de nouvelles idées, de nouveaux entrepreneurs, de nouvelles façons de penser et qu’ils sont donc une très grande richesse. 

 

Samuel stipule le fait qu’il serait intéressant lors de la semaine du 21 mars d’engager un mouvement d’éducation contre le racisme et les discriminations dans les collèges et les lycées car en plus de traiter le sujet avec les élèves, ces derniers parleront sûrement de l’intervention dont ils ont été spectateurs à leurs parents en rentrant chez eux, et que cela pourra potentiellement faire évoluer les mentalités fermées des parents concernant la lutte contre le racisme et les discriminations. Il souhaite donc identifier les fédérations de parents d’élèves ou les syndicats d’enseignants qui pourraient être des portes d’entrée dans des établissements scolaires de la Drôme, notamment en invoquant pourquoi pas le thème des mémoires voire des témoignages, très présent dans le département de la Drôme avec les nombreux mouvements d’immigration qui ont eu lieu par le passé et dont nous avons parlé plus tôt. Le rôle de la mairie de Die pourrait alors être de valoriser, de mettre en avant par la communication les événements mis en place lors de la journée du 21 mars afin de donner une grande ampleur à l’événement.

 

Claude conclut sur la citation de Paulo FREIRE, pédagogue brésilien ayant prononcé les mots suivants « On n’éduque personne, on s’éduque tous ensemble ». Par cette phrase, Claude veut dire que certes les associations la Drôme aident les familles immigrées, mais que les familles immigrées apprennent beaucoup aux français également et notamment humainement parlant.